MASERATI… une marque tellement mythique et iconique, créatrice des Ghibli, 3200 GT, 3500 GT, Quattroporte ou autres MC : des noms qui font rêver tout passionné d’automobile. Et voilà que quelques années avant sa sortie officielle en 2016, les dirigeants décident d’utiliser le savoir-faire de leur personnel pour s’attaquer à un nouveau segment de marché : les SUV. Pas besoin de chercher midi à quatorze heures, la marque comptait bien booster ses ventes et sa rentabilité avec la sortie de ce nouveau 4×4. On imagine donc une ligne racée, un moteur ultra-communicatif et du luxe de haute volée pour cette Levante. Mais, notre version “downsizée” tient-elle toutes ses promesses ?
Un peu d’histoire et de design
La marque au trident, reconnue pour ses voitures de sport depuis ses débuts apparus il y a plus d’un siècle, a connu une vie digne des plus coriaces montagnes russes. Fondée par les frères Maserati en 1914, elle est passée dans les mains de nombreux industriels : La famille Orsi en 1937, CITROËN en 1968 (à qui elle a prêté son fameux moteur V6 à la SM), DE TOMASO en 1975, CHRYSLER en 1983 et FIAT depuis 1987. MASERATI appartient donc aujourd’hui au mastodonte STELLANTIS (comme beaucoup d’autres d’ailleurs !), résultat de la fusion réalisée en 2021 entre le groupe PSA et FIAT-CHRYSLER. Malgré ce parcours que l’on pourrait qualifier de chaotique, la marque a toujours su garder son âme en créant des voitures de caractère, performantes, somptueuses, presque fantasmagoriques, au grand plaisir de ses afficionados.
La Levante a été officiellement présentée au salon de Genève en 2016 et a bien sûr été créée pour développer les ventes, en prenant le pas sur PORSCHE et son Cayenne ou celui de BMW et son X5. On ne peut pas leur en vouloir, c’est finalement le but de n’importe quel nouveau modèle, mais à condition qu’elle tienne ses promesses et soit digne de ce qu’on peut attendre d’une MASERATI.
Côté style, elle est le fruit d’une collaboration entre les designers de la marque et le fameux Giorgietto Giugiaro, nommé “Car designer du siècle” en 1999, s’il vous plaît. Le résultat donne une ligne pleine de paradoxe : à la fois discrète et opulente, fluide et anguleuse, douce et agressive… On adore ! D’autant plus que notre version d’essai bénéficiait de quelques options améliorant encore l’esthétisme global, notamment une superbe peinture tri-couche “nobile” bleu nuit pailletée et une sellerie signée Ermenegildo Zegna (célèbre styliste fondateur de la marque éponyme) du plus bel effet.
Quatre cylindres sur une “Maz” ?!
Ces présentations étant faites, prenons place à bord. Les finitions sont belles, les magnifiques sièges sont confortables et offrent un bon maintien, la position de conduite est bonne et quelques belles touches nous rappellent que nous sommes dans une voiture d’exception : volant sport en cuir perforé, horloge centrale mécanique, carbone et cuir à profusion. Nous appréhendions une ergonomie perfectible, mais tout tombe bien sous la main au premier abord, les menus de l’interface sont faciles à utiliser et il y a juste ce qu’il faut de boutons sur la console centrale. Petit bémol pour être tatillon, les palettes de passage de rapports derrière le volant sont tellement grandes qu’elles gênent l’accès au commodo : gênant pour madame avec ses petits doigts.
Il est maintenant temps de démarrer l’engin… mais que se passe-t-il ? Qu’ont-ils mis sous le capot ? Avouons-le, quand on a l’habitude d’entendre une MASERATI faire résonner les rues de Paris, le démarrage du “quatre pattes” nous laisse sur notre faim. On s’empresse alors de chercher la touche “Sport” pour améliorer tout ça. C’est mieux, mais on est encore très loin du V6 ou du V8 auxquels nous ont habitués les motoristes italiens. Mais laissons-lui le bénéfice du doute et voyons ce qu’il donne à l’usage.
Nos premiers tours de roues citadins nous laissent une très bonne impression. Même si nous déambulons avec un engin de plus de cinq mètres et plus de deux tonnes, ni le groupe motopropulseur, ni le freinage, ni les suspensions ne laissent transparaître une quelconque lourdeur. Notre Levante se meut dans la circulation chargée avec aisance, agilité et confort.
La route se dégage enfin et nous allons pouvoir tester ce que ce quatre cylindres micro-hybridé de 330 chevaux a dans les tripes. Les données chiffrées du constructeur nous rassurent (6 secondes au 0 à 100 km/h, 245 km/h en vitesse de pointe), mais rien ne vaut un bon essai sur route dégagée pour apprécier.
Eh bien, il en a dans le ventre ! Avec ses quatre gamelles de 750 cc chacune, il emmène notre Levante GT très rapidement à des vitesses prohibées. Sans avoir un réel comportement sportif, on voit que le compteur de vitesse monte très rapidement et sans aucune peine. Les trains roulants et les suspensions contiennent parfaitement le poids de la bête et limitent les mouvements de caisse que l’on pourrait avoir au regard de la masse. Idem pour le freinage, puissance et endurance sont de la partie.
Au quotidien, malgré une certaine frustration de notre appareil auditif, force est de constater que ce moteur sur lequel nous avions quelques doutes, emmène très bien notre SUV sur tous les terrains. L’ensemble est équilibré aussi bien en ville que sur les routes de campagne et les autoroutes. De là à dire que nous sommes sous le charme du moteur, nous n’en sommes honnêtement pas encore là.
Un SUV MASERATI qui consomme peu ?
Soyons lucides, emmener plus de deux tonnes avec un moteur à essence MASERATI de 330 chevaux aura pour conséquence une consommation de carburant élevée. Mais est-ce que l’adoption d’un moteur “downsizé” et d’une micro-hybridation, accompagnée d’une régression en termes de plaisir de conduite, permet de contenir une consommation raisonnable ?
Sur le papier, en consommation mixte, notre Levante est donnée pour 9,9 l/100 km. Dans les faits, après quelques jours d’utilisation, principalement composée de trajets en ville, la consommation moyenne est établie à 12,6 l/100 km. C’est certes conséquent, mais cette valeur est à mettre au regard des performances et de la taille du véhicule. Dans cette optique, il est clair que c’est bien inférieur à beaucoup de SUV comparables à moteur essence qui auraient plutôt avoisiné les 15-16 l/100 km. Pari plutôt réussi donc.
Évidemment, quand on met près de 150.000 € (options incluses) dans une voiture, plus 60.000 € de malus écologique – Eh oui, malgré tous les efforts faits, elle n’échappe pas à la sentence – on se demande si consommer 2 ou 3 litres de plus ou de moins est vraiment un critère de choix.
La grande question
Étant donné qu’elle n’échappe pas au malus écologique il faut donc débourser plus de 200.000 € pour l’acquérir. Sans se voiler la face, si on a vraiment la fibre écologique, on ne va pas se tourner vers un grand SUV comme celui-ci. Dans ce cas, ne vaut-il pas mieux se payer un bon V6 avec la version Modena (149.000 €), voire un V8 avec la version Troféo (178.750 €), qui apporteront une sonorité plus adaptée à l’italienne ? Notre choix est fait.
Esthétiquement, aucun débat n’est possible, la Levante est sans conteste digne de la marque italienne au trident. Les lignes sont pures, la calandre agressive à souhait, l’équilibre est parfait. Les designers ont réalisé un travail de maestro. Côté moteur, bien que MASERATI batte des records d’efficience avec ses 165 chevaux au litre, que la consommation est globalement maîtrisée, et que les performances sont là, un quatre cylindres n’atteindra jamais le feutre et la douceur de conduite que peut procurer un six cylindres, et a fortiori un huit cylindres. Quitte à assumer de rouler dans un SUV MASERATI, autant le faire vraiment et s’orienter vers la Modena ou la Troféo. À moins que l’on soit un inconditionnel de la marque et que le moteur, sa sonorité et son agrément soient un critère secondaire. Dans ce cas rare, la Levante GT répond à l’équation.
Christophe DELEAU (28 mars 2024)